Pour enterrer la hache de guerre…

Par : El Mostafa NAZIH
C’est vrai, et c’est le cas de le dire : on est désormais dans l’incompréhensible.
En effet, au moment où les défenseurs de la complémentarité économique de la région et la concorde entre ses peuples émettaient l’espoir de voir une lueur de bon sens et d’esprit du dialogue régner en vue de l’ouverture des frontières algéro-marocaines, ils étaient récemment surpris, voire stupéfaits par une sortie médiatique du Premier ministre algérien -aussi préméditée que celle de son ministre des Affaires étrangères- alors qu’il aurait pu le recadrer pour fermer le triste chapitre du 20 octobre dernier et donner ainsi une chance à la coopération économique ainsi que sécuritaire, dans le contexte actuel de lutte contre le terrorisme, entre les deux pays voisins.
Il est certain que l’Algérie et le Maroc sont condamnés par la géographie et l’histoire au dialogue, comme l’a fait remarquer Mme Zoubida Assoul, politicienne algérienne, lors d’un débat télévisé entre politiciens algériens organisé à la suite des déclarations de M. Messahel.
Le Torchon brûle
Certains observateurs se sont interrogés, dès lors, quelle mouche a piqué M. Ahmed Ouyahya pour qu’il emboîte le pas à son chef de la diplomatie en tenant à son tour des propos qui sont loin -et c’est le moins que l’on puisse dire- d’être diplomatiques?
Enfonçant le clou, M. Ouyahya s’était écarté du lexique des hommes d’Etat et a lâché en ces termes : « Si nos voisins s’énervent, tant pis pour eux » ! C’était le 25 octobre dernier sur la radio algérienne Chaîne 3, en soutien, on ne peut plus clair, à son ministre des Affaires étrangères Abdekader Messahel qui avait fait des déclarations anti-marocaines ayant fait couler assez d’encre qu’il ne serait judicieux de les citer ici.
Ces prises de position hostiles au pays voisin surviennent à contre-courant de la volonté des peuples algérien et marocain frères de voir se fortifier les relations bilatérales et relancer la coopération économique et humaine d’antan qui était bénéfique aux deux pays, voire à toute la région.
Et puis qu’apportent de telles déclarations d’un chef de la diplomatie comme réponses à l’aspiration des opérateurs économiques de son pays de voir s’ouvrir à eux de nouveaux marchés et de nouvelles opportunités d’affaires en Afrique et ailleurs, à même de contribuer à la création de richesse (autre qu’à travers le pétrole) aussi bien en Algérie que dans le reste du continent ?
« Je ne sais ce qui est le plus impardonnable chez Abdelkader Messahel, son indigence intellectuelle ou le frappant cynisme avec lequel il prépare l’opinion à la guerre contre le Maroc » ? s’est demandé Mohamed Benchicou, journaliste et écrivain algérien le 22 octobre dernier dans une chronique publiée dans « lematindz.net ».
Il constate également que l’Algérie aujourd’hui est « gouvernée par des petits esprits, incapables de se servir de ce qui, dans l’histoire des deux pays, unit au lieu de diviser, apaise au lieu de désespérer, de petites créatures maléfiques dont on imagine le bonheur nauséabond d’avoir su trouver un motif supplémentaire pour les peuples algérien et marocain de se déchirer ».
Questionnements
Il semble malheureusement, au vu de l’évolution des situations, que les chemins sont encore loin de se croiser et que la voie d’un dialogue édifiant est encore loin d’être balisée, parce qu’à entendre les gouvernants algériens -dont le dernier en date est leur ambassadeur au Qatar qui a profité d’une cérémonie pour déterrer la hache de guerre à son tour- les intellectuels, les journalistes, les politiciens et la société civile qui œuvrent à l’intégration maghrébine, à la complémentarité espérée et contre la culture de la haine seraient invités à changer de sujet, à vaquer à autre chose et à laisser leur ambition dans la salle d’attente.
Faudrait-il pour autant que la frustration l’emporte sur une ambition populaire légitime au moment où l’Algérie vient de commémorer le 1er Novembre et le Maroc commémore le 6 Novembre et le 18 Novembre, trois dates d’événements historiques dans les deux pays ? Ne faudrait-il pas s’attacher tout de même à une note d’espoir ?
L’occasion n’est-elle pas à la réflexion face à l’impasse dans laquelle se trouvent les relations bilatérales, en vue de voir la réalité en face qui ne colle plus avec les discours du siècle dernier, de tenir compte des évolutions régionales et internationales, de saisir toute opportunité de dialogue sachant que tout dialogue ne pourrait aboutir qu’en faisant des concessions, « de se servir de ce qui, dans l’histoire des deux pays, unit au lieu de diviser » et d’en finir avec la fixation et l’acharnement infructueux sur le voisin ?