Point de vue

L’Algérie : Vers quelle mue politique?

Par : El Mostafa NAZIH

Certaines évidences sont algériennes. Celle de taille, est que le peuple algérien a repris la main en ces mois de février-mars 2019, par ses protestations, obligeant le pouvoir à annoncer, ce 11 mars, le report de la présidentielle du 18 avril 2019 et la décision du Président sortant Abdelaziz Bouteflika de ne pas briguer un 5ème mandat qui faisait polémique et qui a déclenché ces protestations.

En Algérie, l’évidence  est que le Front de Libération nationale (FLN) est aux commandes depuis l’indépendance du pays, le Président Bouteflika est en poste depuis 20 ans, l’alternance politique est encore dans la salle d’attente et l’aspiration d’une bonne partie de la jeunesse à l’emploi est toujours en suspens.

L’évidence aussi est que le Président actuel est malade à la suite de l’accident vasculaire cérébral qui, depuis 2013, l’a cloué dans un fauteuil roulant et qui l’a contraint à une absence presque totale de la scène publique.

Que les gens sortent en grand nombre, depuis le 22 février, pour protester et manifester, c’est aussi une évidence qui est en droite ligne de l’aspiration au renforcement des libertés, à l’instar de l’actualité d’autres pays africains et de l’élan de la démocratie dans le continent.

Non loin du Maghreb et au même moment, les candidats aux élections présidentielles au Sénégal et au Nigeria, Macky Sall et Muhammadu Buhari, étaient en train de convaincre l’électorat de leur capacité à poursuivre l’œuvre entamée, contribuant ainsi à la consolidation de la démocratie dans leurs pays respectifs.

-Le rêve d’émigration vers l’autre rive

L’autre évidence également, en Algérie, est que le taux de chômage dans un pays riche en pétrole et en gaz se devrait d’être limité et les jeunes purgés du rêve d’émigration vers l’autre rive de la Méditerranée.

En Algérie, notent les observateurs, les partis d’opposition et la société civile se sont longtemps gardés d’appel à la protestation contre la dégradation de la situation économique, sociale et politique dans leur pays. Les Algériens ont aussi « fait avec », depuis la décennie noire dont le rappel revient souvent dans les discussions de ceux qui ont perdu les leurs, ravivant les malheurs de cette décennie.

Seulement, la confirmation par le Président sortant, le dimanche 3 mars, de sa candidature à un 5ème mandat a enfoncé le clou et ravivé la contestation déclenchée le 22 février ; une contestation sans précédent de son pouvoir depuis son élection à la tête de l’Etat il y a 20 ans, surtout que cette confirmation a été déposée au Conseil constitutionnel par son directeur de campagne, Abdelghani Zaalane, qui a succédé à Abdelmalek Sellal, qu’il a limogé.

-Le mandat qui fait déborder le vase

Enfin, il faut être frappé de myopie pour ne pas faire le constat de la frustration. On a beau « fait avec », depuis la fin des années 90, mais les décideurs s’étaient endormis sur leurs lauriers au lieu d’anticiper des réformes et opérer l’ouverture sur les partis d’opposition et la société civile, afin de faire le diagnostic de la situation économique et sociale et de les impliquer dans des solutions éventuelles. Depuis lors, l’expression de la colère était prévisible.

Il est évident que le ras-le-bol actuel est la conséquence de l’entassement des problèmes économiques et sociaux, dont même l’environnement d’affaires en pâtit, et qui, en termes de gestion, nécessitaient des réponses. Mieux anticiper que gérer les crises.

Quant à l’annonce de la candidature de M. Bouteflika à un 5ème mandat, faite par le FLN, elle n’est que la goutte d’eau qui fait déborder le vase, avec le risque d’impact sur toute la région. Et pour cause : les slogans des manifestants réclament le changement d’un système, jusque-là, fermé.

Quand et comment ? Ce sont certaines des questions de l’heure, d’autant que les ministres nommés ce 11 mars, à la suite de la démission ce même jour du Premier ministre Ahmed Ouyahia, ne sont pas étrangers au système –Ramtane Lamamra étant considéré par les observateurs parmi ses faucons- ce qui laisse toutes les éventualités à l’ordre du jour.

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