Culture & Arts

Salon du Livre d’Oujda : focus sur le Maghreb comme horizon de pensée

La question du Grand Maghreb comme horizon de pensée a été au centre d’une table ronde organisée, mercredi à Oujda, dans le cadre des activités marquant la 5ème édition du Salon Maghrébin du Livre « Lettres du Maghreb ».

Lors de cette rencontre axée sur le thème « Habiter, penser le Maghreb », les intervenants, de différents horizons, ont livré un aperçu général sur l’évolution de l’écriture au Maghreb et sur les interactions réciproques qui s’exercent entre les sociétés, en plus du rapport entre l’histoire et la culture de cet espace partagé.

Ils ont également mis l’accent sur le rôle que peuvent jouer la culture, les idées et les créations diverses pour surmonter la situation présente, et sur l’importance des conditions matérielles, sociales et culturelles au sein desquelles se développent les activités littéraires et artistiques.

Mohamed Sghir Janjar, chercheur en sciences sociales, qui a axé son intervention sur la production intellectuelle dans les sciences humaines et sociales dans la région maghrébine, a souligné qu’il s’agit d’une tentative de retracer les trajectoires des thématiques, des problématiques et des orientations de cette recherche à travers l’horizon maghrébin.

Il a expliqué, dans une déclaration à la MAP, qu’au cours des années 1960 et 1970, les chercheurs maghrébins, qu’ils soient en Algérie, en Tunisie ou au Maroc, manifestaient un intérêt marqué pour l’horizon maghrébin élargi, précisant que cela s’explique par le fait qu’ils venaient tout juste de sortir de la lutte pour l’indépendance, et partageaient un rêve commun, celui de construire un Grand Maghreb.

Cette aspiration s’est reflétée dans leurs travaux intellectuels, qui s’inscrivaient dans une logique de pensée collective, a-t-il dit, citant comme exemple emblématique, la publication en 1970 de l’ouvrage d’Abdallah Laroui « L’histoire du Maghreb », qui couvre les différentes composantes de cette région et qui a été largement salué dans les pays du Maghreb.

Cependant, à partir de la fin des années 1970, avec l’émergence des Etats-nations dans chaque pays maghrébin, l’intérêt s’est déplacé vers les problématiques locales, a fait remarquer M. Janjar, notant dans ce sens que des sujets tels que l’histoire locale, la sociologie locale et les enjeux sociaux propres à chaque pays ont commencé à dominer.

« Même lorsque les chercheurs abordaient des thèmes transversaux comme la migration ou la jeunesse, ils les traitaient selon une approche strictement locale, et je considère que ce glissement vers le local a contribué au recul de l’idée du Grand Maghreb comme horizon de pensée chez les chercheurs en sciences humaines et sociales », a-t-il conclu.

De son côté, le journaliste Mohamed Jibril, a relevé que l’objectif de cette table ronde, qui marque l’ouverture de cette édition du Salon, est de réfléchir au Maghreb à partir de sa situation actuelle, marquée par la crise et la division.

« A l’époque coloniale, le Maghreb représentait un horizon clair et une véritable aspiration, notamment dans le cadre des mouvements de libération nationale dans les trois pays. Malheureusement, les événements ont révélé que l’histoire est bien plus complexe, et que les choses ont évolué de manière inattendue », a-t-il enchaîné.

Aujourd’hui, les intervenants à cette table ronde ont cherché à sortir des schémas traditionnels de pensée et à ouvrir un nouvel espace de réflexion, car la situation est loin d’être simple, a expliqué M. Jibril, tout en soulignant l’importance de penser le Maghreb à partir d’une perspective culturelle, puisque « l’horizon politique semble actuellement bloqué ».

Rappelant que de nombreux penseurs ont beaucoup réfléchi à cette question, tels que Abdallah Laroui, Abdelkébir Khatibi et Abdelwahab Meddeb, il a expliqué que cette table ronde se veut un appel à la pensée, à l’étude et aux recherches, tout en sortant des discours répétitifs.

Depuis sa création, le Salon Maghrébin du Livre « Lettres du Maghreb » s’est imposé comme un rendez-vous littéraire et intellectuel incontournable, porteur d’un souffle méditerranéen et maghrébin, où les voix s’entrelacent, les pensées se croisent et les imaginaires s’ouvrent.

En choisissant cette année le thème « Habiter, écrire le monde », le Salon (7-12 octobre) place la littérature au cœur des interrogations contemporaines, car habiter le monde, aujourd’hui, c’est affronter ses bouleversements : climatiques, politiques, technologiques, identitaires. Et l’écrire, c’est tenter d’y répondre sans renoncer à la beauté du verbe, à la profondeur de la réflexion, à la pluralité des regards.

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