Point de vue

CEDEAO : L’adhésion du Maroc sur la table de M. Brou

Par : El Mostafa NAZIH

En instance de traitement, l’adhésion du Maroc à la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest se trouve aujourd’hui sur la table du président de la Commission de la CEDEAO, Jean-Claude Brou, qui a pris ses fonctions le 1er mars 2018 à Abuja, siège de la Communauté.

Pour rappel, la demande d’adhésion, comme membre à part entière, du Maroc qui jouissait déjà du statut de membre observateur depuis 2005, a été déposée le 24 février 2017 et a obtenu l’« accord de principe » le 4 juin 2017 à Monrovia de la part des chefs d’Etat lors du 51ème Sommet ordinaire de ce groupement régional, mais la confirmation de l’adhésion, qui devait avoir lieu le 16 décembre 2017 dans la capitale du Nigeria lors du 52ème Sommet ordinaire, a été reportée en raison de la nécessité de réalisation d’une étude d’impact de cette adhésion .

En plus de ce dossier, M. Brou, qui a succédé au Béninois Marcel De Souza, en a d’autres, aussi brûlants, dans son agenda dont ceux de la monnaie unique à l’horizon 2020, la gouvernance (au sujet de laquelle l’Union africaine (UA) a décrété 2018 année de lutte contre la corruption), le renforcement de l’intégration économique, la préservation de la sécurité et la lutte contre le terrorisme ainsi que des défis à relever tels que les attentes des Etats membres dans les domaines économique, social et humain, et la cohérence des actions pour plus d’efficacité dans leur mise en œuvre.

Autant dire que c’est un ensemble d’épines au pied.

Et si on y ajoute d’autres défis à relever, qualifiés par le président sortant comme majeurs, à savoir le retard dans le versement des prélèvements communautaires par des Etats membres, le non-respect des décisions de la Cour de Justice de la CEDEAO, la consolidation des acquis au niveau de la gestion du personnel et la maîtrise des charges, ainsi que la mise en service des postes de contrôle juxtaposés de Noépé entre le Ghana et le Togo, et de Sèmè-Kpodji entre le Bénin et le Nigeria… la tâche serait encore moins aisée.

Certes, le traitement de ces dossiers, ou du moins leur gestion, préoccupent les chefs d’Etat de la Communauté, d’où l’importance d’y mettre le paquet. Cependant, celui de l’adhésion du Maroc, semble être prioritaire et le plus avancé sur la voie du dénouement. Et pour cause :

D’abord, la compréhension au Maroc quant aux réticences exprimées par des opérateurs économiques dans certains pays, liées à la fragilité de certains de leurs secteurs, du fait de la capacité d’écoute de leurs homologues marocains qui pourraient, dans ce cadre, faire preuve de flexibilité eu égard à l’esprit de modération qui a toujours prévalu dans le Royaume et à la qualité de solidarité africaine dont font montre les Marocains, ce qui ne peut que faciliter la mission au président de la Commission.

Ensuite, armé de sa longue expérience dans le domaine de l’économie, notamment en tant que ministre de l’Industrie et des Mines de Côte d’Ivoire, et qui avait suffisamment roulé sa bosse à travers le Fonds monétaire internationale (FMI), la Banque mondiale (BM) et la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), M. Brou trouvera certainement un consensus sur ce dossier, lui qui a la réputation d’homme consensuel.

Enfin, en tant qu’ivoirien, le président de la Commission est au fait de l’élan de la coopération Sud-Sud et l’esprit de gagnant-gagnant qui prévalent en matière de politique africaine du Maroc ainsi que des projets marocains lancés en Côte d’Ivoire dans le cadre de la solidarité entre les deux peuples. D’ailleurs, le pays du président Alassane Ouattara était un fervent défenseur du retour du Royaume à l’UA et soutient toujours son adhésion à la CEDEAO.

Dans cet élan, et pour booster le dossier marocain, la Confédération générale des Entreprises du Maroc (CGEM), prévoit l’initiation d’une série de rencontres avec ses homologues d’autres pays de la Communauté, occasion d’être à l’écoute des doléances éventuelles et défendre le dossier d’adhésion.

A présent, et contrairement à ce qui a été rapporté auparavant par certains médias à la veille du sommet d’Abuja (décembre 2017), la confirmation de l’adhésion est conditionnée par les résultats de l’étude d’impact dont l’appel à proposition a été lancé le premier février 2018 par la présidence de la Commission. Cette étude d’impact sera soumise à l’appréciation du comité des cinq chefs d’Etat (Nigéria, Ghana, Togo, Côte d’Ivoire et Guinée), désignés lors dudit sommet.

D’ici-là, Jean-Claude Brou aura marqué de son empreinte son mandat, par cette réalisation qu’est l’adhésion à la CEDEAO du Maroc qui y est déjà fortement présent en tant qu’investisseur très actif et qui était, par ailleurs, toujours respectueux des objectifs et des principes fondamentaux de la Communauté. « Le Royaume représentait déjà une valeur ajoutée à la CEDEAO grâce aux liens politiques, humains, historiques, religieux et économiques ancestraux qu’il a toujours entretenu avec les pays membres », comme c’est souligné ici et là par nombre de spécialistes des questions africaines.

Malgré les difficultés inhérentes à la nature des différents chantiers, durant  son mandat de quatre ans, M. Brou pourrait également contribuer à la réalisation du projet de monnaie unique, lequel projet est bien accueilli dans le Royaume. Et puis, la CEDEAO pourrait, sous son impulsion, avancer dans les chantiers de restauration de la paix et la sécurité dans certains pays de la Communauté dans lesquels le Maroc apporte sa pierre à l’édifice, de la lutte contre le terrorisme, domaine dans lequel l’expertise marocaine est avérée, et de la migration dans la gestion de laquelle Rabat a un rôle de leadership salué par l’UA et l’ONU. C’est dire que l’apport du Maroc à la CEDEAO et à l’UA, dans différents domaines, est indéniable et facilitera la mission du président de la Commission.

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